Roman graphique choral, Nos guerres fait entendre un ensemble de voix écrasées par la guerre industrielle et moderne, une guerre jamais nommée précisément, mais proche de la Première Guerre Mondiale.
Dix récits se succèdent, d’une grande diversité de points de vue, qui tous réduisent à néant les illusions sur l’héroïsme guerrier : de l’officier aristocrate contraint à des actes qui lui répugnent au troufion perdu dans le labyrinthe des tranchées en passant par le paysan pris en tenaille par les champs de bataille, c’est toute l’absurdité cruelle de la guerre qui s’exprime dans ces courts récits.
Chaque histoire est dessinée et mise en page différemment, en adéquation avec le discours, le niveau social, les références picturales que le texte peut évoquer. Le traitement graphique fait référence tantôt aux avant-gardes, tantôt au dessin de presse ou aux débuts de la bande dessinée, mixés parfois avec des éléments beaucoup plus modernes. Cette vision kaléidoscopique évite tout manichéisme, et affronte au contraire la question de l’ambiguïté du rapport des hommes (et des femmes) à la guerre.
Intelligent, complexe, nuancé, le livre s’ouvre sur un prologue narratif, qui donne la parole à un vieil homme riche, mutilé, partisan artiste de la guerre. On peut supposer que l’esprit tourmenté de ce personnage désagréable constitue le théâtre où se déroulent les dix récits.
Un album très original, d’une grande virtuosité graphique.