Qu’est-ce que Kornél Esti ? Roman, récit de voyage, biographie ? Rien de tout cela, et tout cela à la fois, s’exclame Kornél Esti dans un savoureux dialogue avec l’auteur qui ouvre le livre. Kornél Esti y est présenté comme une sorte d’alter ego de Kosztolányi, un double fantasque, anarchisant et tentateur…
Jusqu’ici les lecteurs français ne le connaissaient qu’à travers Le Traducteur cleptomane, édition partielle publiée en 1985 par les éditions Alinéa, reprise par Viviane Hamy, choix subjectif d’une douzaine de nouvelles piochées parmi les deux opus du cycle Kornél Esti et Les aventures de Kornél Esti, rebaptisées et réordonnées de manière différente de l’oeuvre initialement publiée par Kosztolányi.
La présente traduction est la seule disponible conforme à l’oeuvre originale : suite de 18 chapitres titrés et numérotés, le livre ne présente cependant pas une narration linéaire, tout en manifestant une unité évidente de thématiques et de ton : inventant un genre inédit, au croisement de la nouvelle et du roman, Kosztolányi donne forme à un monde, le monde de Kornél Esti.
Pleines de charme, de fantaisie, mais aussi de tendresse et de compassion à l’égard des faiblesses humaines, ces nouvelles promènent le lecteur entre le Budapest des années 20 et les grandes capitales européennes, vers lesquelles on voyage en train, et le mènent aussi vers des destinations plus énigmatiques, comme la « ville des honnêtes gens », où tout le monde ne dit que la vérité… Les rapports ambigus entre le réel, le dit et l’écrit, sont l’une des préoccupations évidentes de Kosztolányi, qui joue avec malice des paradoxes du langage, s’inscrivant ainsi durablement dans la modernité littéraire.