Le temps d’une nuit, une femme délivre à un total inconnu sa bouleversante confession. À cet homme croisé dans une gare, elle va ouvrir son âme, libérant, alors que défilent les heures, les verres d’alcool et les cigarettes, une parole trop longtemps retenue, en un flot parfois chaotique, d’une terrible franchise.
Son histoire est simple, et tristement emblématique du destin de nombreuses femmes dans la société norvégienne du début du XXe siècle. Une société oppressive et hypocrite, qui prive les femmes des plus essentielles libertés. Le malheur de cette femme est d’être tombé très jeune amoureuse de Johannes, un homme plus âgé qu’elle, un professeur, un notable. La passion qui enflamme ces deux êtres a beau être réciproque, il n’est pas question pour Johannes de rendre cette liaison officielle : plutôt qu’une fille d’ouvrier fugueuse et rebelle, il épousera la fille du pharmacien, un parti bien plus rassurant, qui convient à son statut. Aux tourments et aux humiliations d’un amour forcément clandestin s’ajoute bientôt l’épreuve affreusement banale de l’avortement, qu’elle sera contrainte de subir par deux fois.
Sans misérabilisme mais volontairement cru, ce récit d’un destin brisé est aussi celui de l’éveil d’une conscience : intelligente, la jeune femme s’interroge sur les origines sociales des violences qui brisent les individus, donnant à ce texte une dimension fortement politique.